Article publié le 09/09/2025.
L’épargne salariale, souvent perçue comme un dispositif RH annexe, est en réalité une brique patrimoniale majeure, à la croisée des chemins entre défiscalisation, capitalisation et stratégie de transmission. Trop souvent négligée au profit de dispositifs plus “glamours” comme le PER ou l’assurance-vie, elle mérite pourtant une attention sérieuse — surtout lorsqu’on raisonne en termes d’optimisation nette, de passif social et de transmission familiale.
Conseil patrimonial : Optimisez vos primes et votre fiscalité
Qu’est-ce que l’épargne salariale ?
L’épargne salariale regroupe plusieurs mécanismes :
- L’intéressement : prime indexée aux performances de l’entreprise.
- La participation : redistribution obligatoire d’une part des bénéfices.
- Les plans d’épargne entreprise (PEE, PEI, PEG) et les plans d’épargne retraite collectifs (PERECO, anciennement PERCO).
Ces plans permettent aux salariés et dirigeants de sociétés (selon leur statut) de placer leurs primes dans un cadre fiscal et social très avantageux, à moyen ou long terme. C’est un véritable levier économique et de fidélisation des salariés.
Le double jackpot : exonérations fiscales ET sociales
Un principe simple : à condition de les placer sur un PEE ou un PERECO, les primes d’intéressement et de participation sont exonérées d’impôt sur le revenu, que ce soit lors du versement sur le plan ou lors de la sortie (après 5 ans pour un PEE par exemple ou avant en cas de démission).
Elles sont également exonérées de cotisations sociales, et ne supportant que la CSG-CRDS (9,7 %) à l’entrée et, pour certaines entreprises, un forfait social de 20 % (exonéré dans les TPE/PME sous conditions).
Exemple : Un salarié soumis à une TMI de 30 % reçoit une prime de participation de 4 000 €.
- S’il la perçoit en cash ➝ elle sera fiscalisée comme un revenu classique ➝ il lui restera à peine 2 500 € net.
- S’il la place sur un PEE ➝ elle échappe à l’IR ➝ net après CSG-CRDS ≈ 3 610 €.
Soit un gain immédiat de +44 % net… sans le moindre effort d’épargne supplémentaire.
Alors, pourquoi faire de l’épargne salariale :
#1 : Le PEE est un outil de capitalisation bien plus efficace que le compte-titres
Le PEE fonctionne comme un compte-titres… mais sous stéroïdes :
- Exonération d’impôt sur les plus-values à la sortie (si respect de la durée de blocage de 5 ans);
- Déblocage anticipée en cas de rupture du contrat de travail ;
- Aucun plafonnement ou dégressivité des abattements (contrairement au régime de droit commun) ;
- Choix parmi une gamme de FCPE, dont certains très dynamiques, parfois à frais réduits.
Stratégie patrimoniale : pour les cadres ou dirigeants, il est souvent bien plus intéressant de renforcer une poche actions à travers le PEE plutôt que sur un CTO classique, même si la gamme est un peu moins flexible.
#2 : L’abondement, ce “levier magique” souvent ignoré
C’est l’une des failles majeures dans l’analyse patrimoniale standard : ne pas tenir compte de l’abondement, ou le sous-estimer.
De quoi s’agit-il ? L’entreprise peut, en plus des primes versées, abonder les versements du salarié sur son PEE ou PERECO :
- jusqu’à 3 768 € sur un PEE en 2025,
- jusqu’à 7 894 € sur un PERECO,
- dans la limite de 300 % du versement initial.
Cela revient à obtenir un rendement instantané de +100 % à +300 %, net d’impôt, net de charges sauf CSG-CRDS.
C’est la seule “niche” patrimoniale où l’on double son argent sans risque, sans effet de levier ni fiscalité latente.
Cas réel : une salariée verse 1 500 € sur son PEE. Son entreprise applique un abondement de 300 %, soit 4 500 € supplémentaires.
Résultat : elle se retrouve avec 6 000 € immédiatement investis, dans un cadre exonéré d’impôt sur le revenu,sans cotisations sociales (hors CSG-CRDS à 9,7 % sur l’abondement, soit 436,50 € prélevés à la source).
Comparons avec un versement classique :
- En net de fiscalité, il lui aurait fallu verser plus de 8 500 € bruts de revenus imposables pour obtenir le même résultat d’investissement net dans une assurance-vie ou un CTO (compte tenu des charges et de l’IR à 30 % ou 41 %).
- Ici, elle n’a mobilisé que 1 500 € d’épargne personnelle.
Le PEE, ce n’est pas juste un produit d’épargne salariale.
C’est un levier financier ultra-efficace :
Effet de levier immédiat : x4 en capital placé.
Comparatif PEE / PERECO
Plan | Abondement max (2025) | Sort fiscal au décès | Points de vigilance |
PEE | 8 % du PASS = 3 768 € | Actif successoral (soumis aux droits de succession) + risque d’imposition des gains à l’IR et PS si rachat > 6 mois | ❗️Double taxation possible |
PERECO / PERCOL | Jusqu’à 16 % du PASS = 7 894,40 € (si versement volontaire du salarié) | Peut bénéficier du régime de l’article 990 I (abattement 152 500 € par bénéficiaire, si décès < 70 ans) | ❗️Fiscalité spécifique retraite / décès |
#3 : Salariés et dirigeants assimilés (TNS exclus), même combat
On oublie souvent que les dirigeants assimilés salariés (présidents de SAS, gérants minoritaires de SARL, etc.) peuvent bénéficier à titre personnel de l’épargne salariale, au même titre que leurs collaborateurs, dès lors qu’un dispositif collectif est en place pour l’ensemble des salariés.
Attention : ce n’est pas le cas des gérants majoritaires ou TNS, sauf à passer par un plan interentreprises (PEI/PERECOI).
Objectif pour les dirigeants : mettre en place un PEE collectif avec abondement maximal, dans une logique de rémunération indirecte.
Stratégie : dans une TPE, la mise en place d’un intéressement couplé à un abondement est souvent plus rentable qu’une prime ou une augmentation de salaire, car non soumise aux charges sociales patronales. C’est aussi plus protecteur en cas de contentieux prud’homal ou de difficultés économiques.
#4 : Une transmission familiale souvent oubliée… mais piégeuse.
L’épargne salariale, et notamment le PEE, peut jouer un rôle dans la stratégie de transmission patrimoniale… à condition d’en connaître les pièges.
Contrairement à certaines idées reçues :
- Le PEE ne se dénoue pas automatiquement au décès : il ne comporte aucune clause bénéficiaire de droit.
- Les avoirs intègrent donc l’actif de succession, soumis aux règles de dévolution légale (ou testamentaire).
- Et pour conserver l’exonération d’IR, les héritiers doivent impérativement demander le déblocage dans les 6 mois du décès. Passé ce délai :
➝ Double peine fiscale : taxation à l’impôt sur le revenu + prélèvements sociaux.
L’une des stratégies est donc de racheter une partie de l’épargne disponible tous les 5 ans et de réemployer cette épargne dans un contrat d’assurance vie, contrat de capitalisation, PER assurance…et de ne pas attendre son décès pour transmettre les sommes à ses héritiers, sous peine que ses sommes soient taxées au droit de succession.
#5 : Une solution idéale pour lisser sa rémunération
Dans les entreprises avec une forte variabilité de revenus (professions libérales en SEL, cabinets de conseil, startups…), l’intéressement permet de lisser la fiscalité :
- en remplaçant une prime classique imposable par une prime collective non fiscalisée ;
- en jouant sur les règles d’affectation sur 5 ans.
Exemple : un président de SAS se verse un intéressement annuel variable de 15 000 €, affecté intégralement sur son PEE ➝ il s’évite chaque année environ 6 000 € d’impôt, et se constitue un capital “caché” pour sa retraite.
En synthèse : votre check-list patrimoniale
Avez-vous optimisé l’abondement de votre entreprise sur votre PEE et PERECO ?
Avez-vous utilisé la déduction sur le PERECO pour maximiser votre réduction d’impôt ?
Avez-vous étudié la possibilité de mettre en place un dispositif d’intéressement ?
Avez-vous comparé l’arbitrage entre rémunération classique et épargne salariale ?
Avez-vous réfléchi à l’articulation PEE / PER / PERECO / Assurance vie dans votre stratégie globale de capitalisation et de transmission ?
Conclusion : Un trésor de guerre invisible
L’épargne salariale est à la fois un outil de défiscalisation immédiate, un levier de capitalisation puissant, et un véhicule de transmission patrimoniale discret. Encore faut-il ne pas la laisser dormir dans les tiroirs de la DRH.
Pour les conseillers en gestion de patrimoine comme pour les chefs d’entreprise, intégrer l’épargne salariale dans la stratégie patrimoniale globale n’est plus une option : c’est une nécessité.
Par Benoît BERCHERBU, Directeur de l’ingénierie patrimoniale d’Astoria groupe